#3 questions à Emeline Baume et Frédéric Minard, co-présidents de la commission Economie circulaire et ESS de France urbaine, et Mahel Coppey, présidente du RTES

01/12/2020

Le modèle mis en place sur les marchés liés aux Jeux est inédit. La stratégie responsable des achats mise en place par Paris 2024, la charte sociale signée par la SOLIDEO en accord avec les partenaires sociaux ainsi que la méthode d’accompagnement ESS 2024 à destination des entreprises et des donneurs d’ordre sont autant de bonnes pratiques que les collectivités ont été amenées à découvrir et questionner lors du 1er webinaire dédié « aux achats solidaires et à la relance économique » qui a eu lieu le 30 novembre dernier. L’héritage des Jeux se construit aussi par le modèle et les outils mobilisés dans le cadre de l’organisation de cet événement unique au monde. A cette occasion, nous avons demandé aux représentants de nos réseaux partenaires : France urbaine et le RTES de répondre à nos questions

1/ Quel est le rôle de l’association France urbaine?  A quels besoins répondez-vous?

Emeline Baume et Frédéric Minard, co-présidents de la commission Economie circulaire et ESS de France urbaine :

France urbaine est une association qui regroupe les élus des métropoles, grandes intercommunalités et villes françaises, comptant 105 membres de toutes tendances politiques confondues représentant près de 30 millions d’habitants.

Elle participe à la structuration du monde urbain et à l’attractivité de tout son territoire. Sa légitimité la prédispose à entretenir de nombreux contacts avec l’exécutif et le Parlement, avec lesquels elle collabore au quotidien dans le but de défendre les intérêts des territoires et des citoyens. L’association est également active au niveau européen et à l’international, notamment afin de promouvoir les expériences des grandes villes et leurs agglomérations. En effet, en développant des services auprès de ses membres afin de mieux répondre aux enjeux auxquels ils sont confrontés, elle apporte une réflexion nouvelle dans les débats locaux, nationaux, européens et internationaux.

Pour répondre aux défis de notre société, les territoires urbains ont une responsabilité qui dépasse leurs frontières administratives. En ce sens, France urbaine défend une « alliance des territoires » en mesure de faciliter les coopérations territoriales et d’assurer une pleine effectivité des politiques publiques et faciliter ainsi leur mise en œuvre.

Quel est le rôle du RTES ? A quels besoins répondez-vous?

Mahel Coppey, présidente du RTES :

Le Réseau des collectivités territoriales pour une Economie Solidaire a été créé il y a presque 20 ans par des élus, plutôt de grandes villes à l’origine. Le RTES est un réseau aujourd’hui de plus de 135 collectivités locales (régions, départements, métropoles et agglomérations, communes),  qui partagent la conviction que l’ESS est un facteur de cohésion territoriale, mais aussi de cohésion entre territoires. Le RTES est un espace de partage de pratiques et d’idées, un espace de formation et d’informations, et de plaidoyer. Il a pour objectif de permettre aux collectivités de faire connaitre leurs initiatives, de s’inspirer d’autres initiatives, mais aussi de contribuer à une meilleure prise en compte de l’ESS dans les politiques publiques au niveau local, national et européen.

Il a par exemple réalisé un Kit MunicipalESS pour les dernières élections municipales, pour outiller les collectivités locales souhaitant inscrire le soutien à l’économie sociale et solidaire dans leur politique.

2/ Alors que le plan de relance du gouvernement priorise le développement de solutions à l’échelle locale, comment les métropoles, communautés urbaines, communautés d’agglomération et grandes villes se saisissent du sujet ?

Emeline Baume et Frédéric Minard :

Les membres de France urbaine ont fait état de leurs grandes inquiétudes sur leur capacité concrète à s’inscrire dans la dynamique de relance engagée par le gouvernement. Que ce soit en matière de moyens financiers mobilisables – les capacités d’autofinancement du bloc communal, en première ligne face à la crise sanitaire, ayant été profondément impactées par la lutte contre l’épidémie de la Covid-19 et ses conséquences – ou en matière d’association concrète à la territorialisation de « France relance ». Les élus de France urbaine ont clairement le sentiment que les grandes villes et agglomérations sont « oubliées », alors qu’elles doivent faire face à de nombreux défis et que les enjeux urbains sont cruciaux, le plan de relance devra y répondre pour traduire une réelle efficacité sur le terrain.

France urbaine souhaite que la mise en place des futurs contrats territoriaux de relance et de transition écologique, et le renouvellement de la manière de contractualiser entre l’Etat et les territoires vienne remédier à la problématique de la territorialisation du plan de relance, et soit l’occasion d’établir un cadre et un outil effectif pour répondre aux enjeux du territoire, avec les moyens financiers adéquats, identifiant les actions répondant à l’objectif d’urgence de court terme qu’impose la crise et la relance, mais aussi à moyen et long terme, répondant à la nécessité de la construction de la résilience territoriale (environnementale, économique, sociale…).

Mahel Coppey :

Le RTES est particulièrement attentif à deux dimensions dans le cadre du plan de relance national :

  • Une véritable territorialisation de ce plan, associant les collectivités locales, et des crédits qui irriguent l’ensemble des territoires, urbains comme ruraux, grandes comme petites collectivités. Nous partageons les inquiétudes de France Urbaine quant à la capacité d’autofinancement des collectivités locales.
  • La place des acteurs de l’ESS dans le plan de relance au niveau national (accès de plein droit aux mesures de soutien, y compris pour les associations ; outils adaptés pour tenir compte des spécificités des acteurs de l’ESS : faiblesse des fonds propres et de la trésorerie ; secteurs d’activités,..), et au niveau territorial : les acteurs de l’ESS doivent avoir une place dans les futurs contrats territoriaux de relance et de transition écologique. Ces contrats peuvent être des outils pour répondre à la fois aux exigences de court terme et aux impératifs écologiques et sociaux.

Plus généralement, le RTES souhaiterait que l’on parle davantage de transition et de transformation plutôt que de relance. Les collectivités territoriales ont un rôle important pour animer des écosystèmes de la transition, en travaillant à de nouvelles coopérations locales avec les acteurs de l’ESS, les citoyens, et les entreprises de proximité.

3/ En quoi la commande publique locale peut-elle être un levier de développement économique et d’emploi pérenne sur vos territoires ?

Emeline Baume et Frédéric Minard :

Dans sa contribution pour un plan de relance écologique et sociale, France urbaine y mentionne la commande publique comme un puissant levier pour favoriser une transition écologique, sociale et solidaire tant au plan national que local, qui peut s’avérer être un vecteur de création d’emplois et de dynamisme économique local (relocalisation, circuits courts de proximité, recours aux ressources du territoire dans une optique de durabilité et de circularité…). France urbaine souhaite dès lors, que soit défini un cadre ambitieux pour le 3ème Plan national d’action pour les achats publics durables (PNAAPD) post-2020, et auquel France urbaine souhaite contribuer, afin d’adapter le cadre existant et permettre à la commande publique locale de massifier les achats responsables. France urbaine prône d’ailleurs l’inclusion de manière systématique de clauses sociales et environnementales dans la passation de marchés (pour rappel, le 2ème PNAAPD (2015-2020) qui s’achève, fixait comme objectif pour 2020 qu’au moins 25 % des marchés passés au cours de l’année comprennent au moins une disposition sociale). Les collectivités locales, et tout particulièrement les territoires membres de France urbaine, acteurs majeurs de la commande publique, sont prêts à s’investir sur ce sujet, tout comme France urbaine avec ses partenaires, dont le RTES, avec lequel de nombreux axes de coopération se profilent. Nous ne sommes qu’au début d’un profond changement dans la construction de nos modèles de société.

Mahel Coppey :

La commande publique est un outil de politique économique des collectivités. Favoriser la  création d’emplois pour des personnes handicapées ou défavorisées, développer les circuits courts, renforcer l’impact social et diminuer l’impact carbone… La commande publique peut être un levier important de transformation écologique et solidaire et un accélérateur de nouveaux modèles de développement économique durable sur les territoires. Qu’il s’agisse de marchés de travaux, de gestion des déchets, de prestation intellectuelle ou d’équipement, les collectivités disposent de nombreux leviers pour que la commande publique contribue au développement d’une économie plus solidaire.

Le paysage juridique français est aujourd’hui favorable (intégration d’exigences sociales et environnementales, extension des marchés réservés, simplification des procédures et facilité d’accès pour les TPE/PME), il reste cependant méconnu et parfois difficile à mettre en œuvre, et un important travail de sensibilisation et de formation des acteurs publics, et des acteurs de l’ESS, est encore à mener. Nous pouvons nous appuyer sur des démarches comme celle de la plateforme ESS 2024 animée par les Canaux, et sur des démarches animées par de nombreux territoires, associant collectivités locales et acteurs de l’ESS. Le Schéma de Promotion des Achats Socialement et Ecologiquement Responsables (SPASER) est aussi un vecteur intéressant de mobilisation de la collectivité et de ses différentes directions.

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