#3 questions à Ben Amar Zeghadi, Délégué National d’ESS France à l’Outre- mer, l’Europe et l’international
Que représentent les Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 pour les territoires ultramarins ?
Les Jeux de Paris 2024 représentent une véritable opportunité pour les territoires ultramarins, à différents niveaux et selon de multiples échelles. Pour l’Outre-mer – DROM, COM, TOM – cette France des océans éloignée de son continent, les Jeux de Paris 2024 sont tout à la fois une occasion de visibilité auprès du monde entier et une opportunité de développement économique.
Vous savez sur nos territoires, nous sommes férus de toutes sortes d’olympiades. A titre d’exemple, les Jeux des îles de l’océan Indien créés en 1979 – dont Mayotte et La Réunion sont parties prenantes – permettent de fédérer les territoires dans une dynamique sportive et positive. En vérité, cela est plus compliqué pour Mayotte, puisqu’elle fait l’objet d’un contentieux géopolitique. Cela ne devrait pas être. C’est une hérésie dans l’esprit de Coubertin !
Si Paris 2024 est une chance pour la France de rayonner, nos îles – parce qu’elles sont des hotspots de la biodiverstité mondiale – en sont l’écrin. Par exemple, l’épreuve internationale de surf en 2024 qui se déroulera en Polynésie française sera l’occasion d’attirer l’attention sur cette biodiversité fragile.
Si c’est une opportunité de nous rendre visibles en tant que territoires, les Jeux permettront surtout de valoriser nos entreprises de l’ESS, porteuses d’innovation, créatrices de richesses à haute valeur ajoutée sociale et génératrices d’emplois locaux non délocalisables, à moins d’avoir le courage de franchir des milliers de kilomètres par la mer.
Vous savez l’ESS est très présente en Outre-mer. Elle représente 5 029 établissements, 54 387 emplois (soit 14% de l’emploi privé ultramarin) et 1,39 milliards d’euros de masse salariale brute annuelle. 88 % de ces entreprises de l’ESS sont des associations et nombreuses sont celles qui prennent en charge des personnes en situation de handicap. Ces Jeux peuvent être l’occasion de porter un autre regard, plus inclusif.
Les Jeux de Paris 2024 sont également une opportunité de développement pour nos territoires pour autant, et c’est l’enjeu, que le comité d’organisation parvienne à nous connecter tous. Ils offrent cette possibilité historique d’expérimenter encore davantage dans l’entrepreneuriat social et solidaire, à la fois pour assurer le développent endogène de nos territoires mais aussi pour les connecter au monde. D’ici à ce moment de communion mondiale, des initiatives « Terres de Jeux 2024 » sont déjà à l’oeuvre dans nos territoires, en Guadeloupe, en Nouvelle-Calédonie, à la Réunion, et en Guyane. Un formidable accélérateur de visibilité et de développement !
Comment les Jeux peuvent-ils être un levier de transformation de la commande publique dans les territoires ultramarins ?
Vous savez, depuis Keynes et le New Deal, la commande publique est la condition sine qua non à la croissance économique. C’est particulièrement vrai dans nos territoires ultramarins. Comme il est particulièrement vrai que cette commande publique profite aujourd’hui davantage aux structures économiques héritées de l’histoire de ces territoires.
Fort heureusement, la réglementation prévoit la possibilité d’insérer des clauses sociales et environnementales dans les marchés publics. La commande publique qui en découle, et afférente aux grands chantiers qui vont être engagés pour préparer et accueillir les Jeux, devra nécessairement faire place, grâce à ces clauses, aux entreprises de l’ESS de l’Outre-mer. Nous devons plaidoyer pour que cette place soit la plus large possible. Dans une ère post-covid où il est nécessaire de soutenir les transitions, c’est une occasion à ne pas rater, celle d’un développement économique plus social, plus solidaire, plus écologique.
En la matière et au regard de la nature de nos territoires, l’ESS est la voie idoine pour soutenir ces transitions, parce qu’elle porte des valeurs et des méthodologies inscrites dans nos patrimoines et nos ADN.
Dans la séquence où nous nous trouvons, la volonté politique semble se saisir de cette opportunité. Gageons que cette circonstance devienne une dynamique pour des territoires plus équilibrés. Entendons nous bien, plus qu’une ambition, c’est une nécessité !
Comment les CRESS d’Outre-mer peuvent-elles accompagner les entreprises de l’ESS à se saisir des marchés publics ?
Historiquement, les dispositifs et dispositions réglementaires permettant l’insertion de clauses sociales et environnementales dans les marchés publics se sont déployés de façon singulière, par bassins d’emplois. A ma connaissance, la seule CRESS en Outre-mer qui porte un dispositif d’Achat Socialement Responsable (ASR) est celle de Mayotte. D’ailleurs cette dernière s’est vue référencer comme une pratique exemplaire par la Commission Européenne dans son guide Buying for social impact en décembre 2019. A Mayotte, à partir d’une volonté politique forte, la CRESS est devenue un guichet unique d’insertion de clauses. Ailleurs, ce sont d’autres acteurs, parfois au sein des intercommunalités, parfois à l’échelle d’un département ou d’une région, qui pilotent ce type de dispositif.
Que ce soit de façon directe ou indirecte, les CRESS ultramarines doivent être au coeur de ces dispositifs d’achats responsables. Elles doivent même les piloter car – dans leur nature – les CRESS abordent l’ensemble des aspects et enjeux du développement de l’ESS en région. A titre d’exemples, les SIAE pourraient, grâce à ces clauses, hybrider davantage leur modèle économique ; pour d’autres entreprises de l’ESS, cela constituerait un accélérateur de croissance.
En Outre-mer, nous privilégions évidemment à l’échelle régionale les entreprises de l’ESS car elles sont seules garantes de la création d’emplois non délocalisables et non soumises aux variations du marché.
Pour accompagner concrètement nos entreprises de l’ESS à se saisir des marchés publics, il faut créer des opportunités de faire « commun ». Par exemple en co-organisant ce 17 novembre pendant le Mois de l’ESS le webinaire dédié « Les Jeux de Paris 2024 – Un tremplin vers une commande publique plus responsable ». Porté par ESS 2024, Les Canaux et la délégation nationale d’ESS France aux Outre-mer – en lien avec les CRESS ultramarines – cet événement est ouvert à l’ensemble de nos entreprises de l’ESS à l’échelle des Outre-mer !