#3 questions à Léna Geitner, co-fondatrice et directrice de Ronalpia
1/ Quel est le rôle de Ronalpia auprès des entrepreneurs à impact ?
Nous sommes un accompagnateur territorial d’entreprises sociales. C’est-à-dire que nous détectons, sélectionnons et accompagnons les entreprises sociales aux moments clés de leur développement : au démarrage avec nos incubateurs ; au changement d’échelle ; au moment de l’accès aux financements et dans les perspectives de coopération. De plus, nous accompagnons des entreprises sociales qui viennent d’autres territoires et qui veulent essaimer en Auvergne-Rhône-Alpes. Nous accompagnons gratuitement, une centaine d’entreprises sociales par an, et en avons accompagné 250 depuis notre création en 2014.
Nous sommes convaincus que les entreprises sociales sont avant tout territoriales et qu’un accompagnement de qualité doit être réalisé en proximité. Nous avons donc huit implantations en Auvergne-Rhône-Alpes, à Lyon, Grenoble et Saint-Étienne, mais aussi dans des territoires ruraux et périurbains comme Voiron dans l’Isère, dans la Drôme, dans l’ouest lyonnais et à Roanne.
Au-delà de cette approche territoriale, nous proposons avec l’association Possible un programme d’accompagnement national dédié aux entreprises sociales qui œuvrent dans le champ de la justice pénale, Act’ice : alternatives à l’incarcération, formation, insertion des anciens détenus…
Un autre élément différenciant porte sur l’importance chez nous de la coopération au sein de la communauté. En plus de l’accompagnement avec des coachs et des experts et des formations, nous mettons l’accent sur l’apprentissage entre pairs qui est un réel facteur clé de succès dans l’économie sociale et solidaire.
Notre vocation : encourager ceux qui entreprennent au service des fragilités, au cœur des territoires. Les fragilités dont nous parlons peuvent être individuelles comme les personnes âgées isolées, les personnes à mobilité réduite, ou celles qui sont éloignées de l’emploi. On peut aussi les identifier à l’échelle de territoires comme les territoires ruraux ou des zones enclavées. Il existe aussi des systèmes fragilisés, typiquement le système carcéral qui a besoin de l’apport d’entrepreneurs innovants pour améliorer la réinsertion des détenus.
2/ Comment ces acteurs ont-ils été impactés par la crise actuelle? Quelles sont leurs pistes de relance voire de développement économique ?
La crise économique qui s’annonce renforce les contraintes économiques des entreprises sociales, qui ont des modèles économiques parfois fragiles ou dépendants de clients eux même fragiles. Beaucoup d’entre elles se retrouvent bloquées dans leur développement à cause de la crise. Selon une enquête interne que nous avons menée en octobre dernier, les deux tiers (67 %) se disent retardées dans l’avancement ou le lancement de leur projet. Quatre sur dix (38 %) ont à peine deux mois de trésorerie devant elles. Enfin, plus de la moitié (56 %) estimaient après le premier confinement qu’elles n’arriveraient pas à faire face à une nouvelle crise !
L’une des entreprises accompagnées confie avoir fait face à des rétractations de clients qui avaient déjà signé un contrat. Elle a dû procéder à des licenciements économiques. Une autre craint l’arrêt de son activité fin 2020. Bien des incertitudes pèsent sur les financements, l’activité, la mobilisation des parties prenantes… Au total, 54 % des entreprises sociales ont été touchées de manière forte, voire critique par la crise sanitaire. Elles sont exposées à des difficultés conjoncturelles qui pourraient devenir structurelles.
Et pourtant, elles ont des atouts précieux pour atténuer les effets de la crise. Elles ont pour cela de nombreuses forces : elles sont capables de trouver rapidement des solutions nouvelles pour répondre aux besoins sociaux, sociétaux et environnementaux prioritaires de leur territoire et de leurs bénéficiaires, elles ont l’habitude de manœuvrer agilement dans des contextes difficiles, elles sont résilientes.
Or, comme bien d’autres entreprises, elles en souffrent elles-mêmes. Plus que jamais, elles ont besoin d’être entourées d’un réseau de partenaires et de financeurs qui les aideront à répondre aux fragilités accrues de notre société.
Chez Ronalpia, nous avons décidé de lancer un dispositif d’accompagnement au rebond, pour leur permettre de se renforcer ou de se relever en 2021.
3/ En quoi les Jeux de Paris 2024 peuvent constituer une opportunité pour l’entrepreneuriat à impact ?
Des Jeux de Paris 2024 écologiquement et socialement responsables peuvent être une occasion unique pour les entreprises de l’ESS !
C’est d’abord le marqueur d’un changement systémique profond : le plus grand évènement sportif mondial qui décide de faire appel aux acteurs de l’ESS pour co-organiser cet évènement, pour le rendre inclusif et solidaire, c’est un message envoyé à toutes les parties prenantes économiques et institutionnelles. C’est aussi un symbole fort pour les entreprises sociales qui se fédèrent pour être à la hauteur de l’enjeu : être capable d’opérer 25% des appels d’offres des Jeux. Ce symbole, nous en sommes convaincus, aura également des impacts locaux, en guise d’exemple de bonnes pratiques d’achats responsables publics et privés.
L’un de nos métiers chez Ronalpia, c’est de faciliter la rencontre et de favoriser l’adéquation entre la demande des donneurs d’ordre et l’offre des entreprises sociales. Nous mettons régulièrement en avant la méthodologie déployée pour les Jeux auprès de nos partenaires en Auvergne Rhône-Alpes, pour qu’elle soit disséminée et réutilisée par de nombreuses collectivités locales et acheteurs privés.
Ces Jeux inclusifs et solidaires arrivent au bon moment en potentiel relais de croissance, alors que la crise sanitaire provoque de vraies difficultés conjoncturelles sur les modèles économiques des entreprises sociales.
La tenue de Jeux inclusifs dépend toutefois d’un écosystème d’acteurs nationaux et locaux, qui pourront détecter et accompagner les entreprises sociales qui pourront faire des Jeux 2024 un exemple de marché public à impact réussi. C’est pourquoi la plateforme ESS 2024 est nécessaire à plusieurs titres :
- Dans un premier temps pour démystifier les appels d’offres des Jeux de Paris 2024 et leur accessibilité aux acteurs de l’ESS ;
- Pour offrir de la visibilité sur les marchés ouverts et qui vont s’ouvrir, pour les rendre accessibles aux acteurs de l’ESS, à Paris, mais également en Région ;
- Ce sera aussi une large base de référencement d’entreprises sociales françaises, qui pourra ensuite être utilisée par les acheteurs privés et publics. C’est pourquoi nous appelons les entreprises sociales accompagnées par Ronalpia à se référencer sur la plateforme ESS 2024 ;
- Mais surtout pour accompagner les entreprises sociales dans la réponse aux marchés (conseil juridique, compréhension du contexte, appui au montage de consortium…), en coopération avec les acteurs de l’accompagnement, dans les territoires.
Chez Ronalpia, nous sommes convaincus que c’est une occasion d’offrir des relais de croissances aux entreprises sociales du territoire, mais également de faire la preuve que les entreprises de l’ESS peuvent être des partenaires crédibles et solides de grands évènements internationaux. Nous avons eu la chance d’organiser une session de présentation des Jeux de Paris 2024 aux entreprises sociales de la communauté Ronalpia le 15 décembre dernier, de belles perspectives ont émergé sur le territoire d’Auvergne Rhône-Alpes avec potentiellement 2 villes hôtes (Lyon – St Etienne), 41 sites d’entrainement et 113 collectivités « Terre de Jeux ». De nombreuses entreprises sociales locales étaient présentes et intéressées comme Le Dhalir qui facilite l’accès au sport pour les enfants et adultes fragilisés, Andyamo qui permet une mobilité inclusive et durable, ou encore Solenciel qui réalise des prestations de ménages par des personnes victimes des réseaux de traite des êtres humains, afin de trouver un travail digne et pérenne ou encore @cocomiette qui fabrique et commercialise des bières à partir des invendus de pain.